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L’émergence d’un pôle automobile dans la ville de Tanger au Maroc
 
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• Type de document : Article académique
• Nombre de pages : 27
• Format : .Pdf
• Taille du fichier : 225.59 KB
Extraits et sommaire de ce document
Le Maroc n’entre ni dans la catégorie des pays mûrs ni dans celle des pays émergents devenus centraux dans la dynamique des marchés de l’automobile et dans la restructuration de son industrie. Si les perspectives de croissance des ventes de véhicules neufs et des parts de marché au Maroc et en Afrique du Nord sont parfois évoquées pour mettre en contexte l’implantation de Renault à Tanger, elles sont loin d’expliquer la stratégie du groupe dans
le pays et ses effets structurants sur la trajectoire du secteur automobile marocain. Jusqu’à l’arrivée du constructeur en 2011, ce secteur est organisé pour la première monte (en dehors de la réparation et du remplacement) autour de deux branches : le montage de véhicules par la Somaca (1) à Casablanca et son parc de fournisseurs, d’un côté, la fabrication de pièces et d’équipements pour les constructeurs internationaux installés en Europe, de l’autre.
L’implantation de Renault près de Tanger est décidée en 2007. Elle est le fruit, en premier lieu, de la stratégie adoptée par le constructeur français de déploiement d’une gamme Entry qui connaît un fort succès sur le marché européen. La réussite de la plateforme Logan est alors confrontée aux capacités de production limitées de l’usine roumaine de Pitesti.
Le constructeur recherche un nouveau site industriel. Bien que le marché marocain soit de faible volume, peu attractif et susceptible d’être satisfait par la Somaca, le choix de Tanger finit par s’imposer. La première pierre du plus vaste projet greenfield du groupe Renault-Nissan depuis celui au Brésil en 1995 est posée à Melloussa, près de Tanger, en juin 2010 (2).
Initialement, il s’agit d’un projet de l’Alliance avec deux usines : l’une pour Renault, l’autre pour Nissan. Les conséquences de la crise financière de 2008 vont conduire à geler l’investissement du constructeur japonais dont les capacités de production des usines britannique et espagnole suffisent sur un marché automobile européen entré dans une longue stagnation. Mais pour Renault, l’usine de Tanger reste importante. Les ventes de la gamme Entry, commercialisée sous la marque Dacia en Europe, continuent de progresser.
Le Maroc devient une base d’exportation vers ces marchés avec le lancement de nouveaux modèles, un monospace (Lodgy) et une fourgonnette (Dokker), dont la production démarre à Tanger en juillet 2011.
Pourtant, la structure productive du pays et sa réalité industrielle l’apparentent à une économie en développement peu susceptible, il y a quelques années encore, d’intégrer le (re)déploiement spatial de l’industrie automobile. Le processus d’industrialisation y est fragile, irrégulier et peu soutenu. Entre 1980 et 2011, le PIB de l’économie marocaine progresse en moyenne de 4,18 %, celui de l’industrie manufacturière de 2,88 % pour tomber à 2,56 % sur les cinq dernières années de la période. L’économie
marocaine affiche donc un PIB industriel faible, d’environ 14 % en 2014, et en baisse (Piveteau et al., 2014) ; une tendance lourde que l’Etat marocain tente de contrecarrer depuis la toute fin des années 90 par une série de réformes institutionnelles et d’actions stratégiques en direction des entreprises. A partir de 2005, le Maroc se dote d’une stratégie industrielle qui vise explicitement l’amélioration de la compétitivité à l’exportation des industries et l’attraction des investissements directs étrangers (IDE).
Le premier Programme d’émergence industrielle (2005-2009) du gouvernement Driss Jettou, suivi du Pacte national pour l’émergence industrielle (2009-2015) puis de l’actuel Plan d’accélération industrielle (2014-2020) traduisent une même impulsion d’ensemble qui adosse l’objectif d’industrialisation et d’amélioration de la compétitivité de l’industrie aux exigences des marchés extérieurs (Billaudot, 2014). La stratégie d’émergence industrielle (3) forme l’arrière-plan incitatif à l’installation du constructeur français, auquel le
gouvernement marocain propose des arguments très attractifs pour l’amener à se localiser dans le nord du Maroc, à moins de trente kilomètres du territoire espagnol. Mais ces programmes industriels peinent, jusqu’à présent, à modifier en profondeur la structure de l’économie marocaine marquée par la grande faiblesse de l’emploi manufacturier dans la population active (environ 5 % jusqu’en 2012) et par un taux de salariat de seulement 44 % (2010) (4).
L’environnement productif et institutionnel dans lequel parvient à émerger le pôle automobile de Tanger se distingue clairement de celui de la Roumanie de 1999 lorsque Renault rachetait, dans une économie dotée d’une base industrielle ancienne et autonome (Bourdin et al., 2009), l’usine d’Etat Dacia pour y construire la Logan, premier modèle de la gamme Entry.
Le présent article propose de caractériser les conditions d’émergence du pôle automobile à Tanger autour de l’arrivée du constructeur français (5) en s’intéressant à la façon dont interagissent localement la stratégie du constructeur, celles des fournisseurs et celle de l’Etat marocain. Depuis les années 2000, ce dernier a placé l’industrie automobile, entre autres domaines de nouvelles spécialisations, au coeur d’une stratégie de diversification misant sur le développement de secteurs exportateurs à plus haute valeur ajoutée.
Si pour le gouvernement marocain le développement d’activités manufacturières dans le secteur automobile doit répondre en premier lieu au problème d’emplois devenu depuis 1983 et la mise en oeuvre des Programmes d’ajustement structurel (PAS) un problème social et politique récurrent (El Aoufi, 2008), il réfère aussi à une industrie dont les effets d’entraînement
sur l’économie en général sont réputés décisifs pour le développement industriel et économique (Breuil et Bastide, 2003). Les réflexions qui suivent participent donc des débats en cours sur l’industrialisation de l’économie marocaine qui cherche à sortir d’une spécialisation productive simple, caractéristique d’activités anciennes comme la confection ou l’agroalimentaire, pour aller vers des composants plus complexes, des tâches de montage vers la production de modèles, de l’exécution aux activités de recherche et de développement.
On verra que si l’émergence du pôle tangérois a pu s’appuyer sur la présence locale et préalable d’équipementiers de rang international, elle est surtout le produit d’une synchronisation nouvelle entre la stratégie dominante du constructeur, celles des fournisseurs et celle de l’Etat marocain.
Les dispositifs d’appui et d’accompagnement publics jouent ici un rôle d’autant plus important que le « chef de file », Renault, ne vient chercher au Maroc ni ressources naturelles, ni marchés prometteurs. Le constructeur s’est en effet déporté spatialement d’un centre roumain doublement saturé, aux plans productif et salarial, pour trouver de nouveaux gains de compétitivité nécessaires au développement de ses produits d’entrée de gamme et au maintien de sa position de monopole sur ce segment.
Le Maroc, et plus spécifiquement Tanger et la façade ouest-atlantique jusqu’à Casablanca, sont pour Renault un nouvel espace de production. Face à cette opportunité, le Maroc a cherché à coller au plus près des mouvements du constructeur et de ses fournisseurs en s’accommodant d’une configuration postfordiste qui offre, comme ce fut le cas pour le Mexique et son modèle exportateur des maquiladoras, une place productive et industrielle à des économies en développement, voire un rôle inédit dans des modèles d’innovation fondé, comme dans le cas de la gamme Entry, sur la rusticité et la frugalité (Julien, Lung et Midler, 2012).
Mais la question de la transformation de cette opportunité productive en véritable levier du développement industriel reste posée. Elle suppose, dans un premier temps, que se déploie au sein de la branche automobile une logique de clustering, source d’externalités locales aussi bien technologiques que de formation, avant de déverser plus largement au sein des autres industries.
Cette configuration favorable, encore lointaine, semble pouvoir s’appuyer prochainement sur l’arrivée de nouveaux constructeurs, tel Peugeot, attirés par les changements en cours au Maroc.
Dans une première partie, nous situons l’arrivée de Renault dans la trajectoire industrielle du Maroc. Nous revenons dans la deuxième partie sur la place du site de Tanger dans la stratégie de Renault. La troisième partie traite de la formation du réseau de fournisseurs autour du constructeur et propose une mise en perspective des compromis locaux qui, à chaque étape du projet, ont donné une issue opérationnelle à des intérêts parfois contradictoires. La quatrième partie aborde la gestion des compétences et de l’emploi au sein du pôle automobile tangérois.

1. L’automobile dans la stratégie industrielle du Maroc
1.1. De la production d’espaces…
1.2. … aux espaces de production
2. Le site de Tanger dans la stratégie globale de Renault
2.1. La gamme Entry, une réussite non programmée
2.2. Le déploiement international de la gamme Entry
2.3. Le Maroc, nouvelle base d’exportation de la gamme Entry vers l’Europe
3. Le site de Tanger dans les stratégies des fournisseurs
3.1. Un pôle tangérois issu de la logique d’internationalisation des équipementiers
3.2. La mise en échec d’une stratégie de montée en qualité des équipementiers marocains
3.3. Le follow sourcing comme compromis stratégique pour accroître le taux et la vitesse de l’intégration locale
4. La rapide montée en compétences des salariés de l’automobile
4.1. Une région de faible tradition industrielle
4.2. Les efforts pour développer les compétences industrielles
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