L’économie du droit d’auteur et de l’utilisation équitable
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• Type de document : Article académique
• Nombre de pages : 56
• Format : .Pdf
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Extraits et sommaire de ce document
La Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. 1985, ch. C-42) comporte plusieurs exceptions au droit exclusif des titulaires de droit d'auteur, parmi lesquelles se trouvent les dispositions sur « l'utilisation équitable » aux articles 29, 29.1 et 29.2. Les articles 29, 29.1 et 29.2 stipulent que l'utilisation équitable d'une oeuvre littéraire ou artistique aux fins d'étude privée, de recherche, de critique et de compte rendu, de communications de nouvelles ne constitue pas une violation du droit d’auteur.
L’objectif spécifique de cet article est d’apporter des réponses aux cinq questions suivantes du point de vue de la théorie et l’analyse économiques contemporaines :
[Q1] Qu’est-ce qui permet de justifier le cas échéant l’existence des dispositions sur l’utilisation équitable dans la Loi sur le droit d’auteur ?
[Q2] Dans quelle mesure l’absence de marchés efficaces, susceptibles de permettre aux auteurs et aux utilisateurs de réaliser économiquement et librement des échanges en matière de droit d’auteur, pourrait-elle justifier une interprétation permissive de l’utilisation équitable?
[Q3] Comment expliquer cette absence de marchés efficaces en matière de droit d’auteur et quels en sont les risques et conséquences sur la création et la dissémination d’oeuvres littéraires et artistiques originales ?
[Q4] Quelles sont les modalités possibles de création de marchés là où cette création de marchés pourrait contribuer à des gains de productivité, d’efficacité et bien-être significatifs, grâce, entre autres facteurs, à l’abaissement des coûts de transaction et à la réduction des coûts sociaux qu’entrainent la non-existence de marchés ?
[Q5] Dans quelle mesure l’utilisation équitable d’oeuvres littéraires et artistiques protégées par le droit d’auteur doit-elle dépendre de l’absence d’effets défavorables de cette utilisation sur le marché des oeuvres en question ?
Pour bien comprendre la source des difficultés que pose l’analyse économique du droit d’auteur, des limites et exceptions qu’il peut être utile d’y apporter, en particulier en ce qui a trait au concept d’une « utilisation équitable » d’oeuvres littéraires et artistiques [ci-après « oeuvres »] protégées par le droit d’auteur, et des mécanismes de marché susceptibles d’accroître l’efficacité économique du droit d’auteur, il faut dans un premier temps se pencher sur les conditions d’efficacité (allocation efficace de ressources humaines et matérielles, d’efforts et de talents à la production et à la dissémination) spécifiques au domaine des oeuvres. C’est ce que nous ferons dans les deux premières sections.
Par la suite, nous nous pencherons dans la section III sur les limites au droit d’auteur, en particulier l’exception particulière que constitue l’« utilisation équitable » d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Nous ferons état de la décision de la Cour suprême dans le dossier CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada. Dans la section IV, nous procéderons à l’analyse économique des raisons qui sont invoquées et qui peuvent justifier une interprétation plus ou moins permissive du concept de l’utilisation équitable.
Nous nous pencherons dans la section V sur les conditions d’émergence de marchés ou de mécanismes de marché efficaces, ce qui nous amènera à commenter la pertinence, aux fins d’encadrer la notion d’utilisation équitable, de tenir compte de ses effets sur le marché et donc sur la valeur de l’oeuvre.
Dans la section VI, nous considérerons la notion de solution de rechange et le rôle qu’un organisme comme Access Copyright peut jouer pour augmenter l’efficacité économique en matière de production et de dissémination des oeuvres protégées par le droit d’auteur, en particulier dans le contexte de la reproduction et de la photocopie des oeuvres.
Nous appuyant rigoureusement sur la théorie et l’analyse économiques, nous allons développer un argumentaire menant aux conclusions suivantes, avec justifications spécifiques à l’appui.
[R1] Il existe des raisons purement économiques justifiant la présence de l’utilisation équitable comme exception aux droits exclusifs des créateurs sur leurs oeuvres.
[R2] Il est dans l’intérêt de l’affectation ou l’allocation socialement efficace, maintenant et dans le futur, des ressources à la production et à la dissémination d’oeuvres que, dans l’esprit d’une décision récente de la Cour suprême, cette utilisation équitable soit : 1. partie intégrante des droits des usagers et ne doive pas être contrecarrée indûment ; 2. définie de manière appropriée, en particulier au niveau de la recherche et de l’étude privée comme buts de l’utilisation, afin : a. d’éviter une spoliation non souhaitée du droit d’auteur ; b. de favoriser l’émergence de mécanismes et de modalités d’échange (institutions de marché) efficaces en matière de droit d’auteur dans le respect des droits des usagers et des créateurs.
C’est dans ce cadre analytique qu’il faut considérer, dans le respect du récent jugement de la Cour suprême, non seulement les solutions de rechange à l’utilisation des oeuvres protégées par le droit d’auteur mais également les solutions de rechange au recours à l’exception relative à l’utilisation équitable.
[R3] Il existe des raisons économiques expliquant l’absence de mécanismes et modalités d’échange efficaces (marchés efficaces) en matière de droit d’auteur, en particulier relativement au droit de reproduction des oeuvres ; cette absence de mécanismes et de modalités de marché efficaces peut avoir des conséquences socialement indésirables sur la production et la dissémination d’oeuvres originales, d’où l’importance de bien comprendre ces raisons sous-jacentes afin de consacrer les ressources nécessaires à résoudre les problèmes que ces raisons peuvent créer.
[R4] La caractérisation et la mesure des effets de l’utilisation équitable sur l’oeuvre, son marché et donc sa valeur, sont certes des éléments pertinents à la détermination d’un encadrement raisonnable de cette exception au droit d’auteur mais la manière d’en tenir compte doit, pour donner les fruits attendus, s’appuyer sur une définition élargie du concept de « marché » et donc sur une définition élargie du concept de « valeur ». Un marché, au sens de la théorie et de l’analyse économiques, englobe plus que les quantités transigées entre vendeurs et acheteurs actuels.
[…]
Il faut privilégier une politique de création de mécanismes et de modalités de marché efficaces au niveau de la reproduction des oeuvres, mettant l’accent sur la simplicité et le faible coût des mécanismes et modalités et visant à favoriser tant la production d’œuvres originales de qualité que la dissémination des oeuvres, dans le respect des droits des auteurs et des utilisateurs. C’est précisément ici que nous analyserons le rôle et la pertinence des licences proposées par Access Copyright.
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